jeudi 10 septembre 2009

De l'art de gueuler suffisamment fort

Le monde est un brouhaha constant. Il se passe tellement de choses, tellement rapidement que tous les événements sont vite noyés dans le torrent des suivants.
On a de plus en plus de mal à se rappeler des nouvelles d'il y a une semaine. Pourtant on est extrêmement bien informés, du moins en quantité, mais probablement trop.

Le problème n'est donc plus d'avoir des idées ou du talent mais de savoir comment le montrer et le vendre.

Nous vivons dans l'ère de la communication, il faut trouver l'élément qui retiendra l'attention de la cible. L'élément qui rendra l'information différente des autres et donc retenue. Les publicitaires font ça très bien. Tout est pensé pour attirer l'attention du public.
Quand on veut focaliser l'intérêt sur un problème, il est plus valable de faire une action d'éclat que de l'exposer dans toute sa gravité.

Ainsi, plus la teneur médiatique d'un événement augmente, plus son message est faussé et réduit. Quand on crie, on ne peut pas tenir longtemps et on s'essouffle trop rapidement pour pouvoir tout dire.

C'est cependant et malheureusement la seule façon de se faire entendre.

Il s'agit donc de savoir comment gueuler par dessus le brouhaha ambiant quand on n'est pas publicitaire, ni journaliste, ni que l'on a assez d'argent ou d'intérêt pour s'acheter de l'espace dans les médias.


Niveau 1: Les débats, les pétitions, les lettres...
C'est le premier stade. Quelque chose ne nous plaît pas, on le fait savoir. Si besoin on se monte en association, on en discute, on cherche à contacter les responsables politiques. C'est l'emmerdement minimum, personne n'est gêné. On peut distribuer des tracts aux passants, tracts généralement pleins de texte expliquant le pourquoi du comment et les problèmes exacts.
Au mieux, on obtient un entrefilet dans la presse locale (si on y a un contact) et une réponse sous forme de lettre-type signée par l'obscur sous-fifre d'un obscur conseiller d'un quelconque ministre.

Niveau 2: Les grêves, les manifestations...
Là, le niveau monte un peu. On comprend qu'il va falloir se mettre à emmerder quelques personnes pour se faire entendre. On se réunit à plusieurs dans la rue, forçant la police à fermer quelques rues ou bien on arrête de travailler, sacrifiant son salaire au passage mais touchant l'entreprise là où ça fait mal. Les tracts ont de moins en moins de texte, les explications sont remplacées par des listes des points posant problème, perdant par là de l'information et donc la teneur du message initial. Les panneaux portent des slogans courts et des images impressionnantes.
Les médias commencent un peu à s'intéresser au cas, quelques personnalités politiques s'agitent et commencent à montrer le bout de leur nez.

Niveau 3: Les actions d'éclat
Ca commence à devenir assez lourd. L'imagination fonctionne à plein régime, il faut trouver l'image choc. On va démonter des Mc Donald's ou planter des tentes près du canal St Martin. On fait des opérations escargot sur l'autoroute, on occupe des usines, on va déverser du lisier/lait/pneus/tomates/poissons (rayer les mentions inutiles) devant un quelconque symbole politique. Les tracts disparaissent. Les slogans sont réduits à 2 ou 3 scandés à tue-tête. Les insultes font leur apparition.
Les télés sont présentes en masse si elles estiment que le public est intéressé. La pauvreté marche bien, le quota du pêcheur moins bien. Les grandes causes trouvent une adhésion massive du public, les autres finissent dans l'oubli.

Niveau 4: La violence
On atteint enfin le stade ultime. La coupe est pleine. Les grandes causes ayant l'adhésion des médias font ça de manière relativement douce, il ne leur manque qu'un peu de reconnaissance alors on séquestre les dirigeants. On peut aussi poser des bouteilles de gaz et menacer de faire sauter une usine. Les causes moins médiatisées à l'origine mais portées par un nombre suffisant de partisans motivés sombrent dans le terrorisme: on pose des bombes, on assassine ou on tente d'assassiner des personnalités. Le message est noyé dans le bruit des coups.
Les médias sont présents mais le traitement de la violence qui est très rentable a supplanté celui des revendications, tout juste quelques rappels de la situation. L'opinion publique commence à douter et hésite à cautionner. La violence étant par essence éphémère et impossible à maintenir dans la durée, la cause sombre peu à peu dans l'oubli...


Il apparaît donc que plus la cause est médiatisée, moins elle est réellement connue. Il n'y aurait donc aucun espoir de se faire entendre?

Si, et il est relativement simple. Se servir de la violence mais faire en sorte qu'elle soit dirigée contre la cause défendue. Les violents fournissent l'exposition médiatique et les victimes peuvent s'en servir pour faire passer leur message.
Quelques exemples: les licenciements massifs ont souvent bonne presse et les employés sont entendus, les opposants iraniens ont fait parler d'eux, les américains étaient adulés après le 11 septembre...
Bien sûr, il faut quand même avoir une cause relativement médiatique, c'est-à-dire qui intéresse les gens et qui ne soit pas contraire aux intérêts des personnes liées aux médias.
Par exemple, les morts dus à la faim ou au sida ne sont pas intéressants, les pas-encore-morts de la grippe A le sont beaucoup plus.

En conclusion, pour te faire entendre, sois comme tout le monde, attire la violence et attise la haine des gens différents contre toi...

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